mardi 14 septembre 2010

4.4. La société consumériste s’est imposée en développant et en exploitant systématiquement les industries culturelles, qui constituaient de nouvelles formes d’hypomnémata. Ces mnémotechnologies industrielles sont entrées en concurrence avec l’hypomnématon alphabétique, et ces industries de programmes(radio et télévision) sont entrées en concurrence avec les institutions de programmes(scolaires et universitaires). Il en a résulté une dévalorisation de la tradition de pensée qui était la matrice du savoir vivre occidental : celle du logoset de ce que nous appelons encore la raison, régie par les contraintes formelles de la théorie. La raison s’est trouvée remplacée par la rationalisation(aux sens de Weber, Adorno, Marcuse et Habermas).

Les hypomnémataanalogiques et électroniques, monopolisés par les structures industrielles, inaccessibles aux pratiques individuelles, et massivement soumis à l’opposition entre producteurs et consommateurs, n’ont pas donné lieu à une réélaboration des formes de savoir-vivre. Ils ont au contraire servi à leur destruction, et à leur remplacement par les prescriptions du marketing à travers les industries de programmes, tout en affaiblissant les formes issues de l’époque où le livre et ses institutions innombrables structuraient les formes de savoirs – en particulier dans la démocratie moderne et post-révolutionnaire.

4.5. L’hypomnématon numérique qui est apparu à la fin du XXè siècle permet de dépasser cet état de fait. Mais comme tout hypomnématon, c’est d’abord un pharmakon : il requiert l’invention, l’institution et la transmission de pratiques de soin qui sont aussi des techniques de soi et des autres, comme le rappela Michel Foucault. Or, le marketing, principale fonction de l’économie dans une société consumériste, s’est immédiatement emparé de ces hypomnémata, qui sont aussi des technologies relationnelles8, d’une puissance extrême, et à travers lesquelles les marques tentent de perpétuer et même d’intensifier et de démultiplier les modèles comportementaux toxiques et typiques du consumérisme, au moment où les industries culturelles qui en avaient été les vecteurs historiques sont entrées en déclin – la socialisation des technologies numériques étant ainsi accomplie essentiellement par le côté empoisonnant et pulsionnel de ce pharmakon.


extrait du nouveau manifeste d'Ars Industrialis http://arsindustrialis.org/manifeste-2010

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