Mais quoi ! Si pour avoir
la liberté il suffit de la désirer, s’il n’est besoin que d’un simple vouloir, se trouvera-t-il une nation
au monde qui croie la payer trop cher en l’acquérant par un simple souhait ? Et qui regretterait sa
volonté de recouvrer un bien qu’on devrait racheter au prix du sang, et dont la perte rend à tout
homme d’honneur la vie amère et la mort bienfaisante ? Certes, comme le feu d’une petite étincelle
grandit et se renforce toujours, et plus il trouve de bois à brûler, plus il en dévore, mais se consume
et finit par s’éteindre de lui-même quand on cesse de l’alimenter, de même, plus les tyrans pillent,
plus ils exigent ; plus ils ruinent et détruisent, plus où leur fournit, plus on les sert. Ils se fortifient
d’autant, deviennent de plus en plus frais et dispos pour tout anéantir et tout détruire. Mais si on
ne leur fournit rien, si on ne leur obéit pas, sans les combattre, sans les frapper, ils restent nus et
défaits et ne sont plus rien, de même que la branche, n’ayant plus de suc ni d’aliment à sa racine,
devient sèche et morte.
Étienne de la Boétie, discours de la servitude volontaire 1549
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